C’est l’un des plus grands rassemblements religieux au Monde. Tous les 12 ans, c’est l’Inde toute entière qui frémit et qui s’agite pendant près de 2 mois en un prodigieux pèlerinage, celui de la Kumbh-Mela, ou Kumbha-Mela. A chaque fois, ce sont entre 70 et 100 millions de pèlerins qui se pressent dans un gigantesque cortège cérémoniel.
Un calendrier complexe et codifié pour célébrer la Kumbh Mela
Les origines de la Kumbh Mela sont très anciennes et il en existe plusieurs variantes, dans divers textes sacrés et mythologiques hindous, comme dans le Ramayana, le récit des dieux.
Littéralement, Kumbha Mela signifie la fête de la cruche ou du vase. La Kumbha, un vase sacré, contenait un nectar d’immortalité, l’amrita. Après avoir pris le vase aux démons (asura), un dieu transformé en oiseau l’emporta au Nirvana, faisant tomber des gouttes sur quatre lieux en Inde : Prayag (Allahabad), Ujjain, Hardwar et Nasik. Une autre variante de ses origines raconte que les dieux et les démons firent une alliance provisoire pour créer ce nectar à partir d’une mer primordiale de lait, la Ksheera Sagara pour ensuite le partager. Mais les démons s’en emparèrent, pourchassés par les dieux. Durant 12 jours et 12 nuits, l’équivalent de 12 années humaines, ils combattirent dans le ciel. Ce serait pendant cette bataille que les gouttes d’amrita tombèrent sur ces quatre lieux alors devenus sacrés.
Les Méla (fêtes) et Kumbh Méla sont donc organisées alternativement dans ces quatre villes qui sont, ainsi que les dates exactes, déterminées astrologiquement, en fonction des positions du soleil, de la lune et de Jupiter.
La Maha Kumbh Mela, la plus importante de toutes, se déroule tous les 144 ans. Elle est célébrée à Prayag, ou Allahabad, une ville très ancienne à 700 km de Delhi dans l’Uttar Pradesh, au confluent de trois rivières sacrées : le Gange, La Yamuna et le Saraswati. C’est ici qu’est né Nehru et que les cendres de Gandhi ont été dispersées. La Purna Kumbh Mela, la plus célèbre, se déroule tous les 12 ans, et varie chaque année d’une ville à l’autre. L’Ardh Kumbh arrive 6 ans après la Kumbh Mela, la Kumbh Mela tous les 3 ans et la Magh Mela tous les ans.
A Prayag, la Kumbh Mela est célébrée entre janvier et février. A Haridwar – ou Hardwâr – aux bords du Gange dans l’Uttaranchal Prades, la manifestation se déroule entre février et avril. Ujjain, dans l’état Madhya Pradesh, qui est l’une des 7 villes sacrées de l’hindouisme, accueille la Méla en mai et Nasik, dans l’état Maharashtra, en juillet.
C’est donc tous les douze ans qu’une foule inimaginable (environ 100 millions de personnes en 2013) gagne les rives du Gange dans cette cité pour la Maha Kumbh Mela , la grande Kumbh Mela, le pèlerinage de la démesure. Une manifestation placée sous la haute autorité du Dieu Shiva, qui aurait été le seul à pouvoir ingérer le poison produit par le barattage de la mer de lait pour produire le nectar d’immortalité. Symboliquement, cela représente la capacité d’un individu à accepter le mauvais pour en ressortir le bon.
Méditer et atteindre le darshan
La Kumbh Mela démarre par d’immenses paradent qui marquent l’arrivée officielle des saints hommes et des Sadhus. Ils sont à cheval, à dos d’éléphant, de chameaux, dans des voitures, des palanquins, des chariots, parfois tirés par des hommes faisant preuve de dévotion. Les guerriers de Shiva, les Sâdhus Naga Baba, sont les premiers à défiler sous une pluie de pétales, laissant ensuite place aux autres sectes, chacune dans des démonstrations plus impressionnantes les unes que les autres.
Pendant plusieurs semaines, bain rituels, repas légers, nuits passées dans des camps à dormir à même le sable ou dans de fine couvertures sont le quotidien de ces milliers d’hommes et de femmes venus laver leurs fautes. Les pèlerins récitent des textes sacrés, chantent des bhajans, des chants sacrés. Partout, des feux crépitent entre les différents camps et la musique résonne incessament de toutes parts. C’est une des rares occasions pour les pèlerins de côtoyer des sages, sâdhus et autres saints et de faire le darshan, un rituel de contemplation et de méditation qui permet d’atteindre un certain degré d’énergie spirituelle. Les dévots parcourent ainsi les camps de toiles où logent les sâdhu, recevant des bénédictions et faisant en retour des offrandes.
La Kumbh Mela est évidemment une période particulièrement propice pour des cérémonies religieuses, l’une d’entre elles étant l’initiation de milliers de sâdhu novices qui entament ainsi leur vie d’ascètes. De même, c’est l’occasion pour des sâdhus confirmés de recevoir une promotion dans leur ordre ou de faire le vœu de suivre une nouvelle ascèse.
S’immerger dans l’eau sacrée pour se laver de tous ses péchés
Mais le point d’orgue de la Kumbh Mela est lorsqu’arrive le moment de l’immersion dans le fleuve, qui coïncide avec la date à laquelle les eaux se transformèrent en Amrita. Les Hindous pensent que s’immerger complètement dans les eaux à ce moment-là les nettoiera, ainsi que leurs ascendants sur 88 générations, de tous leurs péchés.
Les dates les plus propices à cette immersion, déterminées par des calculs astrologiques, sont les jours dits de shahi shan. Ces jours-là, les Akhara – ou grands rassemblements de sâdhu – conduisent un cortège royal – le shahi – qui atteint son apogée avec l’immersion dans le Gange.
Les Naga Baba sont les premiers à s’immerger, nus et par deux, parés parfois seulement d’une mâlâ, le chapelet bouddhique. Lorsqu’ils ont terminé leurs ablutions, ils recouvrent leurs corps de cendre.
Ce n’est qu’une fois que chacune des sectes de sâdhus a pu se baigner, parfois non sans quelques échauffourées pour des raisons de préséance, que les pèlerins ordinaires, qui ont attendu patiemment jusque-là, peuvent accéder au fleuve qui devient alors une véritable marée humaine.
La prochaine Kumbh Mela aura lieu à Haridwar (Uttarakhand) en 2022.
Pour en savoir plus : www.kumbhamela.net
Kumbh Mela, sur les rives du fleuve sacré
« Kumbh Mela, sur les rives du fleuve sacré » est un documentaire franco-indien de Pan Nalin. Tout commence par une quête, alors formulée par son père qui souhaitait que Pan lui ramène une bouteille remplie de l’eau du Gange, receuillie lors de la Kumbh Mela. C’est ainsi qu’il s’est immergée complètement dans cette foule immense, pour suivre quelques individus devenus les personnages de son film.
« Il y a dans la Kumbh Mela une dimension qui échappera toujours à un regard occidental. Imaginez, au confluent de trois cours d’eau sacrés, dont le Gange, plusieurs dizaines de millions de pélerins venus de toute l’Inde prendre un bain rituel et s’installant là pour plusieurs semaines. Cela dure cinquante-cinq jours et se reproduit tous les douze ans. Pour qui tomberait dans ce capharnaüm sans être prévenu, le spectacle tient de l’enfer et du cauchemar. Pour qui s’intéresse à l’hindouisme, ce moment est une sorte d’immense orgasme spirituel collectif. »
« Kumbh Mela, sur les rives du fleuve sacré »
Film franco-Indien de Pan Nalin
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